#18 : Le sang versé mènera à la libération

355 ème Cycle – An 434

Aujourd’hui, deux individus étaient aux portes de la mort. Ils n’attendaient plus que quelqu’un les ouvrent. Etant celui qui les avait appréhendés, j’avais obtenu cet immense privilège. Les deux dissidents patientaient dans la salle depuis quelques temps lorsque je me présentai le long du couloir. Deux gardes étaient déjà à l’intérieur pour les surveiller. A mon arrivée, l’un d’eux me tendit le sabre. Je le sortis délicatement de son fourreau. La lame, minutieusement soignée, n’allait pas tarder à être recouvert du sang des déserteurs. Leur mort devait montrer l’exemple pour ceux qui essaieraient de reproduire de tels actes à l’avenir.
J’enlevai les cagoules des deux dissidents. L’un des deux ne cessait de me regarder dans les yeux alors que l’autre avait la tête baissée et le regarde pointant mes pieds, attendant patiemment son sort. Je brandis l’épée, prêt à asséner le coup mortel, lorsque des visions me revinrent dans la tête. Les images étaient floues, indescriptibles. Seulement la voix semblait claire. "Réveille-toi… Ne fais pas l’erreur d’être celui que tu n’es pas… Ne sois pas un instrument de Genesis… Souviens-toi de tes racines… De qui tu es… Tu m’entends… N’est-ce pas ?... Jake Kandless… Réveille-toi… Maintenant ! " disait-elle.
Le coup fatidique s’élança, passa au-dessus de la chevelure d’Ève et trancha la gorge du premier garde. Je me retournai pour abattre le second mais celui-ci avait déjà son arme rivée en direction de ma tête. Un court silence s’installa dans la salle puis le garde ouvrit la visière de son casque.

"Manius, c’est bien toi ? s’exclama Ahern, étonné.
- Tu voulais que ce soit quelqu’un d’autre ? répondit-il en enlevant les liens d’Ahern et Ève.
- Tu le connais ? demanda Ève.
- Plus ou moins… Alors tu avais tout prévu depuis le début ?!
- Maintenant tu comprends pourquoi tu n’avais pas besoin de plus d’informations, répondit Manius avec un léger rire.
- Pourquoi tu n’as pas tiré ?! Il aurait pu nous trancher la tête !
- … Au fait, c’est qui lui ?
- Jake, un fidèle allié, répondit Ève en regardant Ahern. Bienvenue parmi nous, continua-t-elle en me touchant le visage.
- Comment tu as su qu’il ne le ferait pas ? s’interrogea Ahern.
- J’avais vécu la même chose que lui à l’époque… J’avais fait le mauvais choix. Il ne devait pas reproduire les mêmes erreurs.
- Sans vouloir vous déranger dans vos retrouvailles mais vaudrait mieux déguerpir d’ici. Le temps de la rébellion est venu.
- Et c’est quoi la suite du plan maintenant que tu leur as donné toutes les informations pour retrouver les cachettes ?
- Tu penses vraiment que je leur ai tout fourni ? Tôt ou tard Genesis va comprendre la supercherie, ils feront alors sonner l’alarme. C’est le signal qui lancera l’assaut. Les prisonniers sont déjà prêts et n’attendent plus que ça. Il va vous falloir des armures et des armes. Une cachette se trouve non loin d’ici. Si vous voulez bien me suivre…
- Tu lui fais confiance ? demanda Ève.
- On n’a pas tellement le choix, rétorqua Ahern. "

Sous la demande d’Ève, je retirai mon armure. Selon elle, le système de sécurité de Genesis pouvait prendre le contrôle total de toute armure répertoriée dans la base de données. Ainsi, il pouvait aller jusqu’à bloquer les mouvements de celui qui la portait. Cet homme, Manius, avait lui aussi une armure provenant bel et bien de Genesis mais selon ces dires elle était décryptée et donc introuvable dans la base de données. Malgré tout, elle gardait toutes les fonctions de base, celles-ci étant gérées par l’armure elle-même. Il était donc le seul à pouvoir nous protéger jusqu’à ce que nous arrivions à la cachette. Je récupérai tout de même le sabre de cérémonie. La lame, forgée à partir de métaux inconnus, permettait de facilement transpercer les armures de Genesis.
Sans plus attendre, Manius ouvrit la porte de la salle et tua les premiers gardes postés dans le couloir. La progression se faisait lentement, chacun les uns derrières les autres avec Manius en tête. Il avait minutieusement étudié les lieux jusqu’à connaître toutes les rondes des gardes. Il était tellement sûr de lui qu’il ne tenait même pas son arme, la laissant sur sa ceinture. Arrivé proche de la cachette, il décida de faire sonner l’alerte. Il me subtilisa le sabre et trancha le premier garde qui passait au détour d’un couloir. Il le laissa un court instant en vie afin de déclencher l’alarme puis lui asséna un second coup pour le finir. Avant de courir tout droit vers la cachette, il essuya le sabre et me le rendit.
La cachette se trouvait dans l’un des nombreux vestiaires du bâtiment. Nous renversâmes tous les casiers métalliques pour découvrir l’entrée secrète. Manius s’occupait de surveiller la porte d’entrée du vestiaire. La cachette bondait d’armures et d’armes. En toute hâte, nous nous équipâmes d’une armure et prîmes le plus d’équipements que nous pouvions transporter. J’attachai le sabre dans mon dos et le reste de l’équipement autour de ma ceinture. Une fois prêt, nous nous posâmes face à la porte d’entrée. Une armada de gardes se trouvait derrière cette dernière, essayant de la forcer. Manius fit un décompte avant d’ouvrir la porte. Il fallut une longue rafale de tirs pour mettre tous les gardes à terre.

"Continuez sans moi ! Dirigez-vous vers la grande cour, je vous y rejoindrai dès que j’aurai terminé !
- Je sais où c’est. Je peux nous y conduire, indiquai-je.
- Tu vas faire quoi ? demanda Ahern.
- Il reste des prisonniers à délivrer. Ils attendent ce jour depuis bien trop longtemps. Tout le monde veut se battre même si beaucoup mourront. Ils préfèrent tomber l’arme à la main plutôt que de rester à la solde de Genesis. Maintenant dépêchez-vous ! "

Nous laissâmes Manius derrière nous pour nous rendre vers le point névralgique du centre. La grande cour reliait tous les bâtiments entre eux mais elle donnait également, et surtout, sur l’immense aérodrome où tous les vaisseaux étaient entreposés. Si cela était notre principal objectif afin de partir d’ici, celui des autres prisonniers était tout autre. Ils ne voulaient qu’une seule chose, mettre la main sur Shadad, le Souverain. Rendre dans le sang tout ce qu’ils avaient subi. Il n’était plus question de bonté ou de pardon, cela allait bien plus loin. De par ses actes, Shadad ne pouvait mourir qu’en baignant dans son propre sang, humilié et sauvagement tué par tous ceux qu’il avait fait souffrir. Cela était certes cruel mais c’était la seule solution pour le stopper… Lui-même s’en doutait.
Nous arrivâmes rapidement sur place. Les tirs fusaient de chaque côté. Des dizaines de corps jonchaient déjà le sol. Nous progressâmes le long de la cour. Ahern s’occupait de notre avancée tandis que je faisais en sorte d’abattre tous ceux qui tentaient de nous rattraper par l’arrière. Des tirs chirurgicaux venant du ciel rendaient le terrain quasiment impraticable. L’un deux frappa à quelques centimètres de notre position, nous faisant tomber à terre. Je perdis mon arme dans l’explosion. Je me relevai en sursaut en voyant des troupes de Genesis débarquer. J’empoignai fermement mon sabre lorsque des centaines de prisonniers arrivèrent en trombe.

"Pas le temps de se reposer Soldats ! dit Manius en arrivant parmi les prisonniers.
- On doit se rendre à l’aérodrome pour quitter Gliese ! répondit Ahern.
- Je comprends… Vous avez une autre guerre à combattre. Vous aurez besoin de ça, indiqua Manius en le donnant à Ahern. Il vous permettra de contourner le système de sécurité pour faire décoller un vaisseau.
- Tu ne viens pas avec nous ? demanda Ahern.
- Ils ont besoin de quelqu’un pour les guider… Et puis si je meurs, je préférerai que ce soit au côté de mes camarades.
- Très bien, s’exclama Ahern en lui serrant la main. Tâche de ne pas mourir jusqu’à notre prochaine rencontre alors. Pour Gliese !
- Pour Gliese, camarade ! "

Nous traversâmes le reste de la cour en évitant les tirs ennemis. L’aérodrome était abrité sous une immense structure métallique. Heureusement, bon nombre de vaisseaux était encore à quai. "Il nous en faut un qui permet de matérialiser un portail. Le système de sécurité a fermé celui de Genesis. " dit Ève de vive voix. Nous trouvâmes rapidement un vaisseau capable de nous ramener sur Terre. Nous embarquâmes aussitôt à l’intérieur. Ève prit les commandes du vaisseau et contourna le système de sécurité. Le vaisseau se mit à démarrer pendant que des gardes de Genesis s’amenaient sous la structure. Nous quittâmes l’aérodrome sous le feu nourri des ennemis. Ève évita brillamment les tirs des DCA avant de traverser le portail. Nous nous retrouvâmes instantanément transportés dans l’espace pour revoir, à nouveau, la Planète Bleue… Ma belle Planète Bleue.